100/100 - Grande Sure (1920 m) - Chartreuse - 23 Octobre 2012
La question est posée : pourquoi choisir la Grande Sure comme centième et dernier sommet de ce projet ? La réponse est évidente : ce n'est pas un choix, c'est comme ça. Le hasard a choisi à ma place. Le Grande Sure était sur ma petite liste des trucs à faire, c'était l'un des rares sommets de Chartreuse que je n'avais pas encore gravi cette année, l'itinéraire décidé (Pas de la Miséricorde, Cheminée de Jusson, crête Sud) me faisait envie et plus encore : le point de départ, la durée de la boucle correspondaient à mes disponibilités du jour. Bref, ça c'est fait sur l’impulsion de l’instant. A priori rien d'exceptionnel donc pour marquer la fin du périple mais au final les conditions de la sortie et le fait que ce soit l'accomplissement de mon objectif en ont fait une balade mémorable et apportant son lot d'émotions. Une conclusion à l'image de toute l'aventure en somme. C'est bien comme ça.
Finalement, la part de ce projet qui m'aura demandé le plus d'effort est l'écriture de ces chroniques. La règle du jeu impliquait de rédiger 300 textes. Au final, cela représente un pavé de cent pages. J'ai trouvé difficile cet exercice d'écriture sur la longueur de l'aventure. Il fallait trouver des sujets en essayant de ne pas faire trop de redites. Trouver un angle assez personnel sans pour autant limiter l'intérêt des sujets à moi seul. Etre honnête et franc sans toutefois rentrer dans des choses trop intimes ou polémiques. Etre informatif sans se prendre au sérieux ni devenir pédant. Trouver un ton adapté aux sujets traités. Et trouver du temps pour écrire et relire. Arrivé au bout de l'exercice je ne suis (évidemment) pas entièrement satisfait du résultat. Mais je pense que c'est une base qui pourrait donner quelque chose d'intéressant à condition d'y passer du temps et d’y consacrer une grosse quantité de travail. L'idée serait d'améliorer le fond en sélectionnant un axe pour les sujets plus étroit et de retravailler la forme pour y apporter d'avantage de cohérence dans le ton et corriger les erreurs qui se sont glissées sournoisement dans les textes. Mais l’envie de passer à autre chose est déjà là et il faut toujours écouter ses envies.
Voila c'est fini. Je peux poser mes baskets et mon sac à dos. Il est temps de tourner la dernière page de ce projet. A l'heure de conclure, les sentiments qui dominent ne sont ni le soulagement ni la satisfaction d'avoir atteint l'objectif fixé au départ. Au contraire, je ressens de la nostalgie et un peu de tristesse. Epicure nous avait pourtant prévenus. La recherche du plaisir dans l'action est un leurre. Tout comme le drogué a besoin d'augmenter constamment les doses pour ne pas éprouver la sensation de manque, j'ai une envie de toujours plus. Plus de sorties, de plus en plus longues. Tout ça pour me nourrir de beaux paysages et de me sentir en vie. Mais c'est une fuite en avant sans espoir de fin. D'autant plus que la ressource consommée est en quantité limitée. Il me faut aller plus loin, préparer d'avantage les sorties et affronter plus de difficultés pour renouveler à chaque fois la découverte. La route du bonheur suit un autre chemin d'après le philosophe. Il nous enjoint à rechercher l'ataraxie. C'est un état de repos et de bien être qui permet d'atteindre le plaisir. L'excès doit être évité car il entraine la souffrance. Au contraire il faut trouver un mélange de joie tempérée, de tranquillité et d'auto suffisance. Terminer ce projet en dévoilant le moyen d'accéder au bonheur me parait être une conclusion valable. On va donc en rester là.


99/100 - Grand Sorbier (2526 m) - Belledonne - 20 Octobre 2012
Le Grand Sorbier ne semble avoir de réelle existence pour le randonneur qu'en tant qu'alternative plus soutenue aux traditionnels Vans. Sempiternels Vans devrait-on dire tant ils sont courus été comme hiver. Pour accéder au Sorbier depuis les Lacs Robert rien de plus simple. Il suffit de prendre la combe d'à coté (celle de gauche en regardant à l'Est depuis les lacs) et d'attaquer droit dans la pente en visant une petite aiguillette tout en haut (aiguille du Mottin). Arrivé là (et oui ce n'est pas fini) il faut prendre à gauche, passer si on le souhaite sur une première antécime pour profiter du point de vue sur la vallée de la Romanche. Pour en finir : emprunter une courte descente avant d'attaquer les dernières pentes qui permettent d'atteindre le sommet du Grand Sorbier. Et de là, dans la solitude de ce sommet discret, admirer la foule qui se presse au Grand Van. Un vrai plaisir de connaisseur.
A l'heure de refermer la liste des sommets 2012, il est temps de parler des absents (ils auront toujours tort). Tout d'abord, le plus grand. En altitude comme en regrets. Le Mont Blanc ne figurera pas sur ma liste de courses 2012. C'est vraiment dommage et ce n'est pas faute de na pas avoir eu envie d'y aller. Mais c'est comme ça, les circonstances, la météo et plein d'autres raisons font que le plus haut sommet Français ne figurera pas dans les 100. Parmi les autres absents, citons par exemple la Belle Etoile ou le Puy Gris. Tous les deux approchés de très près mais non atteint pour cause de nivologie douteuse ou de chien récalcitrant (dans cet ordre). Manque aussi le Petit Som, seul sommet d'importance non visité cette année du massif de la Chartreuse. Manque aussi un sommet du Queyras. J'avais envie d'aller faire un tour dans ce massif réputé mais à la journée c'était difficile de faire tant de kilomètres en voiture pour une seule rando. Et puis tous les autres, proches ou lointain, facile ou techniques, connus ou ignorés. Je n'ai fait qu'effleurer le monde immense des sommets et comme on le dit de la connaissance : plus je sais, plus je sais que je ne sais rien.
Pour 2013, je ne vais pas pouvoir rester sans projet. J'ai trop apprécié d'avoir un objectif tout au long de l'année pour ne pas réitérer l'expérience. Toute la difficulté consiste à choisir un projet qui respecte l'équilibre entre tous les critères. On parle parfois d'objectif « S.M.A.R.T ». Cet acronyme signifiant : Simple, Mesurable, Acceptable, Réaliste, Temporellement défini. Il faut réussir à concilier le coté motivant d'un objectif (qui doit donc représenter un certain challenge) et le fait qu'il soit réalisable (sinon on est assuré d’une grande déconvenue). Il faut tenir compte du temps dont on dispose pour le réaliser et de ses capacités physiques. Surtout il faut qu'il soit acceptable par rapport à ses valeurs et à ses motivations. Si le plaisir n'est pas là, le projet n'aboutira pas. On est dans le domaine du loisir, il faut s'en souvenir. Une chose est sûr ce sera en rapport avec la montagne. C'est LE critère incontournable.


98/100 - Croix de Belledonne (2926 m) - Belledonne - 18 Octobre 2012
La Croix de Belledonne est une randonnée classique du massif et je l'avais gardée pour la fin. Sorte de cerise sur le gâteau. En fait, ca ne s'est pas vraiment passé comme ça. J'avais juste repoussé l'échéance tant je manquais de motivation pour faire une fois de plus cette approche depuis Pré Raymond, le Lac du Crozet et les Lacs des Doménon. Pas que l'endroit soit moche mais à force d'y passer l'effet de surprise s'est un peu estompé. Sans compter que pour une rando du matin c'est obligatoirement à l'ombre. Orientation ouest oblige. Concernant le sommet en question (la Croix de Belledonne), il est à noter que l'on entend parfois dire que c'est le point de culminant de Belledonne. C'est aller un peu vite en besogne. On devrait plutôt dire que c'est le point culminant accessible en randonnée et pas trop loin de Grenoble du massif de Belledonne. Parce que si on regarde bien, on voit que cette bonne vieille Croix avec ses 2926 mètres est seulement quatrième dans la liste des plus hauts sommets. Devant elle se trouvent le grand Pic et le Pic Central (respectivement 2977 m et 2945 m) nécessitant quelques pas d’escalade pour y accéder et le débonnaire Rocher Blanc qui le regarde de haut avec son petit mètre supplémentaire (2927 m). Malheureusement (ou heureusement) pour lui, il se trouve plus loin des centres urbains et est, de fait, souvent oublié.
Earth First ! est une organisation radicale écologiste. Le terme « radicale » est ici essentiel. Il permet de bien marquer la différence avec les organisations bidons de l'écologie politique. Celles des opportunistes bobos qui surfent sur la vague verte et sur les légitimes préoccupations des gens pour se faire une place au soleil parmi nos élites dirigeantes. A l'origine du mouvement Earth First ! qui, comme son nom l'indique, place la terre et l'ensemble de ses habitants au centre de ses préoccupations, on trouve deux livres fondateurs. Silent Spring de Rachel Carson qui présente de manière très documentée le problème des pesticides sur l'environnement et Le gang de la Clé à Molettes de Edward Abbey qui, avec une approche romancée, parle de l'action radicale de défense de la nature dans le colorado. Earth First ! représente une écologie ethno-décalée (par opposition à ethno-centrée) qui remet l'homme à la place qui est à la sienne : une espèce parmi d'autres. Ni plus, ni moins (enfin si un peu moins car sa capacité de nuisance dépasse largement la moyenne). Au passage, ajoutons qu'Edward Abbey a commis un certain nombre d'ouvrages, tous passionnants. S'il ne fallait en citer qu'un, ce serait Desert Solitaire. A la fois journal, chronique et roman des années pensant lesquelles Abbey travaillait comme ranger dans un parc national de l'Utah.
Les lacs d'altitude, comme ceux du Crozet ou des Doménon, visités pendant cette rando, sont classés par les scientifiques comme des lacs d'altitude. Ces lacs de Montagne présentent de nombreuses spécificités liées principalement aux conditions climatiques et minéralogiques de leur environnement. Pour être dit « de montagne » un lac doit déjà se situer à plus de 700 m d'altitude. La catégorie est subdivisée en quatre classes qui dépendent de la durée de la période pendant laquelle ils sont gelés. Dans l'ordre : lacs verts (moins de 6 mois - 1800 m), lacs de pelouse (7 mois - 2100 m ), lacs froids (8 mois - 2400 m) et enfin lacs polaires (plus de 10 mois - 2600 m). La couleur de ces lacs dépend de la quantité de matière organique qu'ils contiennent mais aussi de leur environnement immédiat ou encore du type de matières minérales en suspension. Une particularité de ces plans d'eau est que pendant leur période glacée, il y a inversion de la stratification thermique : les eaux les plus chaudes sont au fond alors que les plus froides stagnent au niveau du bouclier de glace.


97/100 - Monte d'Oro (2389 m) - Corse - 12 Octobre 2012
Etrange cette ascension du Monte d'Oro. Débarqué de l'avion à Bastia la veille au soir, nous avons sauté dans une voiture pour finalement dormir quelques heures au Col de Verde, sous une pluie battante et par une température vivifiante. Autant dire que, malgré un revigorant petit déjeuner pris dans un troquet de Ghisoni, nous n'étions pas très frais en nous lançant à l'assaut de ce mont d'or local. En revanche, coté motivation, pas de problème : nous étions à fond ! Surtout Rémi d'ailleurs. Parti bille en tête, il ne nous laissait d'autre choix que de s'accrocher à ses basques et de serrer les dents pour ne pas être lâché. On a tenu et on est monté. Malgré un manque de préparation certain de l'itinéraire, malgré l'absence de carte et malgré une météo alternant les nuages, la brume et le brouillard. On est finalement parvenu au sommet à 2389 mètre et on a, à force de ténacité, réussi à faire une boucle intéressante pour revenir à notre point de départ à la gare de Vizzavone. Comme quoi, l'improvisation ça peut marcher aussi parfois.
Je viens de me rendre compte que s'il y a bien une chose qui m’agace c'est d'être pris en flagrant délit d'ignorance. Pendant notre escapade Corse, Pierre et Rémi ne se sont pas privés de me chambrer en essayant de me faire deviner ce qu'étaient les tafonis. Après de nombreuses réponse loufoques, j'ai fini par comprendre de quoi il s'agissait. Les tafonis (ou taffonis les deux orthographes sont acceptées) sont une spécificité Corse (en fait on en trouve aussi ailleurs mais bon, laissons ce petit plaisir aux habitants e l’Ile de beauté). Il s'agit de formes en creux et arrondies résultant du travail de l'érosion dans les roches cristallines ou gréseuses. Leur formation est favorisée par un climat humide et salin. Elles sont particulièrement appréciées des grimpeurs qui les utilisent comme d'excellentes prises ou comme point d'ancrage pour poser leurs protections.
Pour traverser la Corse dans le sens de la hauteur, rien de plus facile : il suffit de suivre le GR20. On peut, sans trop s’avancer, lui décerner le titre de roi des chemins de Grande Randonnée. De Calenzana (au Nord) à Conca (au Sud) le chemin s'étend sur plus de 180 kilomètres et 13000 m de dénivelé. Le record est détenu par Kilian Jornet en un peu plus de 32 heures. Les randonneurs ont généralement besoin de seize jours pour en venir à bout ! Autant dire que celui qui associe le GR20 au soleil et aux plages Corses a tout faux. On est dans un véritable domaine montagnard et le parcours est parfois très technique. Quant à la météo, encore un point à ne pas négliger. La neige n'est pas rare au sein des montagnes corses et certains se sont fait prendre par surprise par un brusque changement de temps. Un vrai terrain d'aventure : exigeant et d'une rare beauté.


96/100 - Tête de Vallon Pierra (2516 m) - Dévoluy - 6 Octobre 2012
Nombreux sont les photographes en carton, comme je le suis, qui pensent que leurs photos sont belles et les mettent à disposition de tous sur la toile numérique. Parmi toutes les photos de montagne qui nous arrivent chaque jour sous les yeux, certaines émergent vraiment du lot. C’est le cas des images produites par un collectif de photographes nommé Diverticimes. Ils sont huit (pour le moment) et sont à la fois photographes et montagnards. Leur travail émerge au dessus de la masse d’images produites chaque jour par sa qualité et les moyens déployés pour arriver au résultat. Il faut dire qu’ils n’hésitent pas : mise en scène soignée, beaucoup de matériel (de photographie et de montagne) et sans doute beaucoup de temps passé à trouver le bon cadre et à attendre la bonne lumière. Le résultat vaut bien ces efforts, c’est toujours très réussi. Au-delà de ces considérations techniques, il y a aussi du fond dans leur travail. Chacune de leur production essaye d’illustrer le thème de l’homme face à l’immensité de la nature. Les photos mettent en scène celui qu’ils nomment « le personnage », figure récurrente qui vient mettre une dose d’humanité dans des paysages à chaque fois surprenants.
Un concept intéressant serait d’associer les sommets deux à deux. C’est ce que l’on a fait lors de cette sortie en enchainant le Grand Ferrand et la Tête de Vallon Pierra. Déjà cela permet de faire défiler le compteur deux fois plus vite pour atteindre l’objectif des 100. Ensuite et surtout c’est le meilleur moyen d’apprécier dans sa totalité un sommet. Les deux approches (distante et « in situ ») sont complémentaires et permettent par leur combinaison d’apprécier une montagne dans toute sa richesse et toute sa complexité. Quand on a le nez dessus, il faut reconnaitre qu’il est difficile d’en comprendre les grandes lignes, de voir comment sa silhouette s’intègre au paysage. Par contre pour apprécier la nature de la roche ou le détail d’un cheminement, il n’y a rien de mieux. De loin, c’est le contraire : on embrasse le paysage et on se rêve géographe mais impossible de saisir la subtilité des particularités locales.
Le mois d’octobre 2012 marque quasiment la fin du tour de la France par ses frontières effectué par Lionel Daudet (il lui manque juste le Mt Blanc pour en terminer – ce sera fait en Novembre. Sacré projet pour cet alpiniste Haut Alpin car, mine de rien, les frontières de l’hexagone ne sont pas un long fleuve tranquille. Tout l’intérêt de son expédition provient de la volonté de Lionel de ne pas utiliser de moyens motorisés pour effectuer son périple. C’est donc à pied, à vélo, en parapente ou en kayak qu’il a parcouru 5000 km et gravi plus de 1500 sommets. Du haut de mes 100 petits sommets ridicules, je dis « respect Mr Daudet ! ». Il aura mis un peu plus de quinze mois pour arriver au bout de son aventure (il était parti en Juillet 2011). Un livre est prévu pour les mois à venir racontant les péripéties de ce projet qui fut loin d’être de tout repos. On va surveiller le rayon montagne des librairies.